Samedi 18 septembre, je pars de Troinex pour rejoindre le Collectif du Défilé de L'Ecluse en bas du Vuache. Il faut compter les oiseaux pour la LPO (ligue pour la protection des oiseaux). Avec des jumelles ou des longues vues, il faut identifier les oiseaux qui passent le col. La plupart des rapaces sont des migrateurs qui repartent au sud pour passer l'hiver.

Le ciel très lumineux, presque blanc, rend le comptage difficile.

Les oiseaux retournent dans le sud emportant dans leurs plumages les dernières lumières de la fin de l'été. Ils passeront l'hiver dans le sud, tandis que nous autres sédentaires resteront dans le froid.

Les yeux dans les nuages, je les regarde partir loin d'ici. Je sais qu'ils reviendront au printemps, leur plumage plein de senteurs chaudes du Maghreb.

Les milans noirs sont déjà passés au dessus de nos têtes ; c'était en août, le premier signe volatile de la fin de l'été. Ces jours, c'est le tour de leurs cousins royaux. Nous sommes en septembre. Je les observe qui se laissent aspirer par les courants thermiques, tels des ascenseurs les entrainant par dessus les reliefs montagneux.

Les buses partiront en octobre. En attendant le grand départ, elles conservent leur énergie et planent dans les thermiques.

Je sais que les cigognes passent en septembre. Pourtant, je n'en ai vu aucune de la journée.

Je regarde les façades rocheuses du Salève, éclairées par les derniers rayons.

C'est un samedi sur terre. Le monde prépare sa soirée, tandis que je me tiens debout, le nez planté dans le ciel, mes lunettes d'approche autour de mon cou, comme une seconde peau. Il faudrait que je rentre.




Et là, des ombres noires vers les cimes du Salève, à peine visibles, semblent se diriger vers moi. Un mirage du crépuscule sans doute, pensé-je. Je prends mes jumelles. Ce sont elles.

Elles se rapprochent toujours plus. Je peux les photographier. Vont-elles passer de l'autre côté du massif du Vuache ?

Leurs ailes, comme des toiles de soie déchirées, font demi tour. Elle repartent vers le Salève. Elles disparaissent quelque part au loin dans un champ.

Elles cherchent sans doute une place pour la nuit. J'aimerais tant les retrouver.







Je fonce à travers villages et champs sur des pistes caillouteuses, une main au volant, tandis que l'autre agrippe les lunettes. Les vitres baissées. Si je pouvais rouler avec la tête dehors, je serai heureux.

Des champs, encore des champs et pas de cigognes.
Je croise des tracteurs au repos le long de clôtures désertées, des habitants pressés, des toits de tuiles, des haies envahies de mûres gorgées de soleil, mais toujours pas de cigognes.

Où sont-elles ? Où se cachent-elles. Le crépuscule s'assombrit.

Et puis tout à coup, au dessus de ma tête, elle est là seule et gracieuse.
Je freine un grand coup. Mon coeur bat la chamade. Je ne veux pas la perdre, car elle me conduira aux autres. Une cigogne n'est jamais vraiment seule.


Je marche sous elle, et puis soudain, à l'orée d'une forêt, elles sont là, essayant de se poser en vain sur une antenne électrique. Il n'y pas assez de place pour toutes. Alors, elles volent un peu plus loin.














Je les rejoins. Elles se tiennent sur le faîte d'un toit aux tuiles oranges, celui d'une ferme isolée. Quelques unes ont choisi le grand arbre du jardin. Chacune à trouver une place pour la nuit.

La mienne cette nuit sera à leurs côtés.

Texte poétisé par Laura Maxwell